Il se retourne une dernière fois, manquant de s’écrouler, paume de la main arrachée, alors qu’il se soutient contre le mur froid. Un chat de gouttière qui passe par la, lui arrache un tremblement, alors que ses yeux continuent de scruter derrière lui, la gorge nouée. Après quelques minutes, qui dure une éternité, il se permet de souffler. Respiration saccadée. Les néons crépitent, l’atmosphère est chargé, il regarde encore ce putain de chat, qui finit par se casser. Cette fois, p’têtre qu’il aurait pu y passer...
Il avait vu l’arme, l’autre taré était prêt à tirer. Merde, il l’aurait vraiment flingué ?
C’est qu’à force de chercher, il avait vraiment crever. Pourtant, il sentait déjà son poing se serrer, c’est colère, qui allait encore parler. Parfois, suffisait juste de mal le regarder, pour qu’il se mette à frapper. Trop de fierté pour reculer, il s’excusera jamais. (( Laissez moi exister )).

Rentrer à la maison, à pas feutré, la lumière toujours pas allumé, jusqu’à ce que quelque chose finisse par l’éclairer. Portable de papa, qu’il s’est mis à allumer, et pointer vers son crétin de gamin. Il a rien d’un ange, et son monde n’est pas Eden. C'est l'Enfer, direction la Terre. Même avant sa majorité, il passait toujours son temps à se fuguer.
Mais à chaque fois, il finissait par revenir, par ce que c'était trop dur de partir.
Pourtant, papa, il avait bien tenté de le recadrer. Mais on pouvait dire qu’Eden, c’était un cas désespéré. C’est sûrement pour ça que sa mère l’avait abandonné, elle avait reniflé les embrouilles et s’était tirée. Mais ça, papa, il voulait pas en parler.
“Maman” c’était un cauchemar gardé sous clé, bien enfermer, que personne voulait déterrer. Alors, à défaut d’avoir la Vérité, de connaître son identité, il avait fini par déchanter. Pourtant, papa, il voulait juste le protéger, quitte à l'étouffer.
(( Laissez moi respirer ))

- Eden, qu’est ce que tu faisais dehors à cette heure-c… Mais...ton visage ?

Large entaille, sur le côté, comme une marque placée délibérément pour éloigner les indésirables. Mais avec Eden tout semblait indésirable. Y’a pas longtemps encore, il s’est fait virer du lycée, depuis, il collectionne les p’tits boulots sans avoir le temps de se faire licencier, parce qu’il passe même pas les semaines d’essai.
Il dévie le regard. Soudainement, fierté laisse place à un visage décomposé.
Merde, il avait encore déconné. Et papa, qui fini par soupirer. ça faisait des années, qu’il n’arrivait plus à le contrôler. La meute, elle ne l’avait jamais réellement accepté, et Eden, lui, continuait de les provoquer. Combien de fois avait-t-il dû les supplier pour qu’il puisse rester à leur côté ? Parce qu’un loup gris sans sa meute est un loup mort.
(( Laissez moi m'évader ))

Mais Eden, ça, il refuse de le comprendre. Il se sent différent, plus grand, plus puissant. Même avec les nouvelles rumeurs, sur ses fleurs enchantées, les chasses aux loups, qui pourraient recommencer. Eden, c’est juste un loup gris. Il l’sait, au fond de lui. Mais c’est plus facile de vivre dans le déni. De se dire qu’on est pas qu’un parmi d’autres. Gamin paumé, à la recherche d’une identité. Doigt levé. Bestialité.
Y’a toujours cette défiance, cette colère, qui gronde tonnerre.
Impulsivité, qu’il n’arrive jamais à contrôler, qu’il vient pourtant toujours à r’gretter.
Bout des doigts, qui frôle la plaie, regard baissé, alors qu’il finit par monter les escaliers. Cette nuit encore, il rentre blessé, cette nuit encore, il va l’entendre pleurer.
Tout ce qu’il veut, c’est Vérité. Tout ce qu’il veut, c’est réussir à la trouver.
Elle est là, tout près. A ce moment, il saura, s’il a toujours autant envie de la tuer.
(( Laissez moi la retrouver ))