eragonbella
Âge |
21 ans
Cursus |
Lettres classiques
Nationalité |
Coréen
Soonwon Kihyun
« Monsieur Soonwon, le cours va bientôt commencer, veuillez vous asseoir ! »
Le garçon s'était arrêté net dans son élan.
Ces insoutenables secondes, où le pire nous attendait, étaient restées en suspens.
Pourquoi, dans ce piège, avait-il fallu tomber ?
Le cours n'avait pas encore débuté, le professeur n'était pas encore arrivé et dans cette pause occasionnelle, certains élèves avaient souhaité se divertir.
« Il n’est pas encore parti ? ».
Et quoi de mieux que de prendre en cible un camarade boursier.
« Qu’est-ce qu’il fout encore ici ? ».
Ces railleries, sans pitié, elles s’étalaient.
L’adolescent avait brièvement hoché la tête et s’était désintéressé du personnage qui n’avait pas été encore présenté. Il avait rejoint sa table et s’était sagement assis. Docile et attentif, il obéissait, l’adolescent.
Contrairement à cette hyène. Minwoo, tu es infernal quand tu t’y mets. Un fin sourire narquois s'était dessiné sur le visage monstrueux de ce dernier. Lui qui restait intouchable. Celui-là même que personne n'arrête, couvert par l’influence et la célébrité de Papa, il pensait avoir tous les droits sur Toi.
« Le boursier obéit comme un chien bien dressé ? Couché, assis ? Elle fait pareil ta mère le soir ? »
Un rire qui confirme cette méchanceté innée. Un rire bientôt rejoint par les autres, quel troupeau bien gardé. Immonde brutalité. Et la victoire s’apprécie en découvrant que l’on a heurté la sensibilité. Réellement, ça faisait rire les mal élevés ?
- Franchement, ta gueule Minwoo !
Le cours avait débuté. Et cette altercation de trop avait fini par agacer ; avant que le rideau ne tombe, le professeur s’était alors écrié.
« Monsieur Soonwon ! Taisez-vous immédiatement ou je vous expulse de mon cours ! »
​
Un comportement déplacé et c'était toute une vie qui pouvait basculer.
Un mot de travers et c'était des années de sacrifice qui s’évaderaient sans qu’on ne puisse rien faire. Une remarque et ses études, il pourrait les oublier. Félicitations, Kihyun, tu as encore tout gâché. Mais franchement, tu crois que c’est ta faute si ils t’ont pris en tant que bouc-émissaire ?
Lorsque le dernier être insouciant quitta la salle, ce fut pitoyablement que le jeune essaya de négocier à l'amiable.
- Monsieur, pardonnez mon comportement. Je ne voulais pas…
Il ne voulait pas être sanctionné. Il n’avait d’ailleurs pas voulu se battre, il s’était simplement laissé emporter. Ses émotions l’avaient contrôlé. Mais les autres l’avaient cherché et le mot de trop l’avait condamné. Douce mélodie qui dicte ta vie. Amour parental qui pourrait t’être fatal.
- Te donner en spectacle ?
Un regard sévère avait relevé les yeux de la copie qu'il tenait entre les mains pour les poser sur le gamin. Et c’était la déception qui se dessinait dans ces iris dissimulés derrière des verres.
- C'est raté.
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Le bout de papier s'était retrouvé projeté sur l'avant du bureau. Le voilà, le second bourreau ? L'adulte avait quitté ses lunettes pour regarder l'enfant, enfant qui quant à lui avait baissé les yeux sur la feuille de papier. Pourquoi tout cela était-il si angoissant ?
- Tu devrais apprendre à les ignorer. Mais ce n'était pas spécialement de ça dont je voulais te parler. J'ai lu ta dernière copie.
Ce bout de feuille qui trônait sur le bois noble avait déjà reconnu son propriétaire. Et l'embarras s'était empressé d'étouffer le pauvre garçon. Ces lettres qui se succédaient, il avait cru bien faire… s’était-il trompé ?
​
- Tu m'as appris des choses que j'ignorais. Je te remercie…
Nerveusement, la main pâle et tremblante de l’adolescent avait saisi son autre poignet. Son coeur s’était affolé à l’entente de ces mots ironiquement lâchés. Qu’avait-il causé avec ces mots intelligemment versés ? Ces références grecques et romaines étaient-elles à bannir de ses prochains vers ? Ce mauvais sort pouvait-il s’en défaire ? L'audace dont il avait fait preuve en écrivant ces quelques alexandrins allait-il causer un futur chagrin ?
- Je ne voulais pas vous offenser…
- M'offenser ?! Je suis pourtant sérieux. Ta copie était remarquablement brillante. Pour un boursier, c'est presque étonnant.
L'attaque tout à fait innocente quant à elle n'est pas surprenante. Comment un enfant issu d'une classe si peu aisée peut-il être aussi instruit ? C'est dans les livres qu'il plonge et étudie, Kihyun. Mais quelle est donc cette hérésie ? Il dépassait presque le maître ce démuni. C’était presque risible. Mais il avait prouvé que ce n’était pas impossible.
- Tu comptes faire quoi comme cursus scolaire plus tard ?
Cette question on se l'était déjà posée. Et la réponse, oh, qu'elle était dure à trouver. Des études longues ? C'était une idée. Une idée qu'on essayait d'effacer. Car, dans ce monde, l'argent domine. Et sa réussite, il faudrait l’acheter. Mais avec quel denier ?
- Je l'ignore.
Après une profonde hésitation, on avait tout de même ajouté.
- Je comptais arrêter mes études après le lycée…
- Tu rigoles, j'espère ?!
Non, ce n’était pas une blague. L’université coûtait chère.
Et jamais il ne lui serait venu à l’esprit de se moquer de son enseignant.
Alors évidemment, la réponse était négative. Non, il ne se moquait pas.
- Rassure moi. Tu ne peux pas gâcher le talent que tu as ! Tu te rends compte un peu de ton niveau d'écriture et de tes connaissances littéraires ?! Tu penses sincèrement que je vais laisser l'un de mes élèves ruiner ses capacités ?! Dans le pire des cas, tu pourrais devenir libraire et dans le meilleur, écrivain. Je sais que tes parents ont des difficultés concernant l’argent mais si je leur en parle, on trouvera bien une solution. Il y a une école qui serait parfaite pour toi. Et c’est ce que font tous les parents ; après tout, offrir un avenir meilleur à leurs enfants.
Mots crachés sans vulgarité néanmoins c'est dans le venin qu'ils avaient été créés.
Et ces remarques quasiment désobligeantes sur la famille qui t'as élevé tu les as, bien évidemment, entendu durant toute ta scolarité.
« N'aie pas peur de prendre ton envol. »
- Cette bourse, tu l'as mérité, ce n'est pas du vol. En plus, si cette école est si réputée et qu'elle te permet de vivre de ta passion, c'est une opportunité.
- Mais papa…
- Mais rien. On se débrouillera avec ta mère.
- Ton père a raison. Tu n'auras pas cette chance deux fois.
- On fera un crédit s’il le faut. Mais c'est dans cette école que tu iras. Ils t’ont accepté après tout ! Tu devrais t’en réjouir ! Monsieur Tatsumoto a bien fait de venir nous en parler.
- Mais…
- Fin de la discussion.
- Sauf si vraiment tu ne veux pas aller étudier là-bas.
- Bien sûr que si, mais…
- Alors, il n'y a pas de "mais" qui tienne !
« Cet avenir, on te l’offrira. »
Se ruiner pour espérer offrir un avenir un tant soit peu meilleur.
Se ruiner pour permettre à son enfant de goûter au bonheur.
Sous le ciel étoilé, la nuit t'abandonne.
Un, deux, trois.
Inspire. Expire. Ne panique pas.
Sous le ciel nuageux, l'argent chantonne.
Un, deux, trois.
Cet échec te perdra.
Il travaille dur, Kihyun.
Il veut réussir, Kihyun.
Téméraire et aimant, il se sent pourtant incompris parmi les autres étudiants.
Les personnes de son âge vivent dans un monde qui n'est pas le sien.
Mais n'est-ce pas logique lorsqu'on a l'âme d'un écrivain ?